Triathlon Ironman Suisse 2023 – Melun Triathlon

Triathlon Ironman Suisse 2023

Dimanche 9 juillet, Blandine BRUNO du club de Melun Triathlon a participé à son tout 1er IRONMAN.

Blandine vient de nous adresser son CR très détaillé de sa plus longue séance de sport de sa vie….

Prenez le temps de tout lire car Blandine nous fait vivre de « l’intérieur » sa course !

Ironman de Thun : une longue journée d’efforts dans un cadre idyllique

Ressenti et impressions de course : l’Ironman vu de l’intérieur…

Il est 3h50 du matin ce 9 Juillet 2023 lorsque mon conjoint Thierry, qui me soutient depuis 6 mois dans mon objectif sportif, ouvre les rideaux de la chambre que nous occupons dans une vieille ferme suisse qui nous offre une vue plongeante sur le lac de Thun et les montagnes environnantes, dans le canton de Bern, en Suisse allemande. Le lac scintille calmement dans la nuit et reflète les lumières des villages de la rive opposée.

Dans quelques heures, il s’agitera sous les coups de bras des quelque 1200 nageurs partis pour couvrir la distance Ironman de 3,8 km : quel contraste !

J’avale un petit déjeuner plus copieux qu’à l’accoutumée, où j’ajoute flocons d’avoine et tranche de jambon, et me mets en tenue : la trifonction du club de Melun dont j’adore les couleurs.

Puis je vérifie ma check-list des derniers préparatifs à emporter, en particulier mon alimentation pour la course (celle des ravitaillement, trop « chimique » et énergisante, ne me convient pas), mon compteur vélo, et surtout ma pompe à pied, car il a fallu que je dégonfle les pneus de mon vélo la veille pour écarter tout risque d’éclatement sous le soleil dans le parc à vélos où je l’ai entreposé.

Nous prenons la route jusqu’à l’immense parking souterrain du centre commercial indiqué par l’organisation et montons dans un des bus navette qui partent toutes les 3 minutes en direction du quartier de Qwatt, en centre ville de Thun, où se situent les installations de l’Ironman. La plupart des routes sont déjà bloquées et les signaleurs en place, alors que 6h n’ont même pas encore sonné.

Je rejoins le stade qui fait office de parc à vélos, place mon compteur, déverse dans ma sacoche de cadre le mélange de noix salées diverses et amandes qui constituera mon apport en sel lors de l’épreuve cycliste et nourrira mon moral en me donnant l’impression de prendre l’apéro sur mon vélo !

Les sacs de transition préparés soigneusement la veille et vérifiés à plusieurs reprises sont déjà sur place, au fond du stade, accrochés aux portants métalliques et classés par numéro de dossard : 563 pour moi, un nombre à 3 chiffres, pas trop difficile à retenir et qui me plaît ! Je n’ai plus à me préoccuper de leur contenu (simplement y ajouter les aliments que je viens d’apporter) ; ce contenu a fait l’objet de beaucoup d’attention, car dans ce type d’épreuve, chaque détail à son importance et j’ai tenté d’anticiper tous les petits désagréments ou sources d’inconfort susceptibles de se produire : lentilles de rechange, crème solaire, bouteille d’eau et gant de toilette pour me rafraîchir, car il ne fait plus de doute que les 33 degrés annoncés vont malheureusement se confirmer.

Une urgence me pousse vers les toilettes quasi décoratives (en bois avec un petit cœur sur la porte, trop drôle !), qui sont mises à disposition le long du stade. En dépit de leur grand nombre, la file d’attente est déjà trop longue ; je me dirige alors vers le centre des congrès où étaient distribués les dossards la veille, mais il est fermé ! Finalement, je déniche avec l’aide de Thierry un autre bloc toilettes proche de la zone d’arrivée.

Mais l’heure tourne et je n’ai plus que quelques minutes pour rejoindre la zone d’échauffement dans le lac, qui ferme à 6h25 précises avant de laisser place au départ des professionnels à 6h30. J’arrive à destination au moment où le speaker invite les derniers nageurs qui s’échauffent à regagner la rive. Oh non ! Je ne voudrais pas être privée de cet échauffement car l’eau n’est qu’à 18,7 degrés, ce qui paraît bien froid en comparaison de la température extérieure qui commence à grimper. Il faut aussi que je mouille mes lunettes pour éviter la buée.

Bref, je tente le tout pour le tout et enfile ma néoprène le plus vite possible : zut le bracelet de la puce coince au niveau de la cheville ; rezut, c’est la montre maintenant au niveau du poignet ! Thierry referme la fermeture éclair de ma combinaison. Je le sens aussi nerveux que moi… Heureusement, j’ai déjà appliqué ma pommade anti-frottements sur la nuque pendant que nous marchions à grands pas vers le lac (j’ignore alors qu’elle se révèlera totalement inefficace et que j’aurai de belles brûlures résultant de mes mouvements de contorsion désespérés pour sortir la tête hors de l’eau lors de la natation qui va suivre).

Je me précipite dans le lac pour faire entrer une lame d’eau froide par le col de ma combinaison afin d’éviter un choc thermique lors du départ, et remplis une bouteille d’eau dans ce même but, que je déverserai sur ma tête et dans mon cou pendant le temps d’attente jusqu’au départ de la natation.

Je me place ensuite dans le dernier sas (> 1h25) et suis surprise de voir que la file avance beaucoup plus rapidement que je ne le pensais avec le système de « rolling start », à raison de 5 triathlètes toutes les 5 secondes. Je fais quelques mouvements de bras pour échauffer les articulations des épaules et resserre mes lunettes neuves d’un cran, car le bonnet vert fourni par l’organisation est plus fin que celui du club : il ne faudrait surtout pas que l’eau rentre avec mes lentilles ou que j’ai de la buée !

Un dernier bisou à mon Titi et ça y est, je me retrouve devant l’arche. Je choisis la file de gauche pour pouvoir nager à l’extérieur de la masse (sachant que les premières bouées sont à main droite) car cette discipline n’est pas mon point fort !

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C’est mon tour, et me voilà partie sur un trajet rectangulaire avec un aller au large et retour parallèle. Un vent contraire, conjugué aux mouvements des nageurs, génère de vraies vagues sur le lac et j’ai beaucoup de mal à poser ma nage. Je distingue mal les bouées et me mets en mode survie pour éviter de boire la tasse à chaque fois que je respire. Moi qui n’ai jamais fait de triathlon en mer parce que la houle me donne le tournis, me voilà servie ! ça va être bien long tout ça…

Petit à petit, j’essaie de me détendre un peu et de me laisser porter par les vagues plutôt que de lutter contre elles ; la technique semble fonctionner et je m’applique sur mes mouvements de bras, comme si je nageais en piscine : cela m’occupe l’esprit et me permet d’évacuer le stress.

Arrive alors la première grosse bouée triangulaire qui indique un changement de direction : je me pense sortie d’affaire en apercevant la terre ferme, que je crois être la zone d’arrivée. Je réalise cependant après quelques minutes que je ne suis pas sur le trajet retour, mais seulement sur le petit côté du rectangle ! ça va être long, ça va être long…

L’eau du lac est d’une couleur turquoise uniforme, en surface comme en profondeur, et d’une qualité exceptionnelle. « The crystal water of Thun » vantait le site Ironman au moment de mon inscription : j’y suis à présent, mais pas vraiment dans les conditions de tranquillité escomptées ! La deuxième bouée triangulaire annonce enfin le trajet retour : ouf, ça va mieux dans ce sens, avec le vent de dos et beaucoup moins de vagues ; les images positives de la suite défilent dans ma tête. Je compte les petites bouées intermédiaires qui passent : elles sont numérotées et je ne pensais pas qu’il y en aurait plus de 10… Que c’est long ! C’est bizarre, il ne me semblait pas que la même distance parcourue à l’entraînement dans le lac de Torcy prenait autant de temps !

Le bracelet orange que je porte au poignet droit se rappelle à mon bon souvenir lorsque je plonge ma main dans l’eau. Il m’a été remis lors du retrait des dossards en tant que participante à mon premier ironman. L’inscription qui y figure « I will become one IM » est comme une promesse faite à moi-même de ne pas flancher.

Enfin, la 3eme et dernière bouée triangulaire nous fait prendre la direction du chenal où se trouve l’arrivée : je suis sauvée ! Je nage toujours et encore, traverse une zone remplie de plantes aquatiques (c’est bon signe, il y a moins de fond) et me cogne la tête contre la coque d’un bateau : je pensais le chenal rectiligne mais il fait en réalité un petit crochet avant que l’arche salvatrice apparaisse.

Hourra ! Des mains se tendent pour m’aider à sortir de l’eau, je relève mes lunettes et commence à retirer le haut de ma combi en trottinant jusqu’au stade où se trouve mon vélo. O miracle, j’ai pensé à biper ma montre pour la première transition : ça va, je suis encore lucide ! Natation en 1h45 : l’impression que c’était long était justifiée car j’ai fait 400 m de plus !

Je me dirige vers les portants pour récupérer mon sac de T1, le bleu. Je m’assois sur les bancs mis à disposition pour enfiler mes chaussures de vélo. Je me rappelle alors les recommandations lues dans le guide du triathlète et prends un soin particulier à éliminer les gravillons de la pelouse synthétique qui se sont collés sous mes pieds. Je me mets rapidement de la crème solaire sur les épaules, les avant-bras et la nuque après les avoir essuyés avec ma serviette et j’avale une demie barre de céréales à la volée. Ça y est, mes affaires de natation sont replacées en vrac dans le sac vide, que je raccroche sous le bon numéro.

Je jette un coup d’œil à ma montre : une dizaine de minutes se sont écoulées, ça va, j’ai fait pire en transition ! A présent, le défi suivant : trouver mon vélo ! Allée E, allée, E… E comme Emile… « C’est là, c’est là ! » me crie Thierry à travers le grillage du stade. Joël, mon entraîneur, et son épouse, Isabelle, qui sont venus pour m’encourager, se joignent à lui pour me soutenir.

Ah, le voilà ! Je mets mon compteur vélo en route, et, sitôt la ligne officielle franchie, j’enfourche mon Liv acheté en prévision de l’évènement il y a 1 an. C’est parti pour 180 km de cyclisme, une discipline que j’adore, en 2 boucles identiques.

Le premier tour est pour moi celui du repérage du parcours. C’est en fait une succession de bosses sans difficulté majeure (au regard sans doute de la préparation au dénivelé que j’ai faite dans le Jura quelques semaines auparavant), la plus longue sur 4 km avec un pourcentage de 3-4%, et la plus pentue avec 12%, mais relativement courte : rien à voir avec des cols de montagne ! C’est donc la bonne surprise du jour : peu de portions plates, certes, mais les 2200m de dénivelé positif ne devraient pas être un problème, d’autant que les routes sont de vrais billards ! Quelques descentes dangereuses avec des virages en épingle sont signalées par des commissaires de course et des panneaux interdisant l’usage des prolongateurs. Un nouveau panneau indique systématiquement la fin de la zone à risque : quelle organisation ! Je reste de toute façon prudente car mes freins à disque souffrent de la chaleur et grincent méchamment lorsque je les active.

Je suis attentive à une petite douleur qui pointe en haut de la cuisse et crains que la contracture que j’ai vécue à une semaine pile de l’échéance et m’a contrainte à un repos quasi-total ne se réveille à nouveau. Je tâte avec le pouce l’endroit sensible, tout en continuant à pédaler, mais non, fausse alerte, ce n’est pas le quadriceps qui se manifeste, mais sans doute le fléchisseur de hanche qui peine un peu après la côte. Ouf, les soins conjugués du kiné et de l’ostéo, ainsi que l’alternance des massages et glaçages de mon côté ont été efficaces et il faut que j’arrête de psychoter ! Je me reconcentre sur ma course.

Les paysages sont de toute beauté : vallées accueillantes, chalets fleuris, routes et bas-côtés d’une propreté irréprochable, et, en toile de fond, les trois grands sommets enneigés de l’Oberland Bernois, qui culminent autour de 4000 m : l’Eiger, le Mönch et le Jungfrau. Nous traversons également un parc régional protégé dans la forêt et je reconnais les ponts couverts avec leur charpente et leur plancher de bois que j’avais vus sur la vidéo de promotion de l’Ironman ; il y en a 4 qui enjambent des torrents : je les attendais avec impatience et accueille leur traversée dans une ombre bienfaitrice avec bonheur !

Je comprends à présent pourquoi ce parcours cycliste a été élu le plus beau du monde parmi toutes les compétitions Ironman existantes. C’est un pays de rêve, celui d’Heidi, la Suisse de tous les clichés !

L’ambiance est à la fête et les spectateurs nous encouragent dans les quelques villages que nous traversons, au rythme des cloches de vache et des « hop hop hop » enthousiastes. Je bois très régulièrement, au moins sur le premier tour, car je sais qu’ensuite ce sera davantage aux sensations. Pour ce faire, mon compteur est mon repère : 1 gorgée d’eau pour les kilomètres se terminant par «0 » (ah ah, ô comme « eau », c’est facile !) et 1 gorgée de mon autre bidon composé d’un tiers de jus de raisin, de deux tiers d’eau et d’un demi jus de citron tous les kilomètres se terminant par « 5 » (là, je n’ai pas de moyen mnémotechnique). Vers le 50ème km, je commence à ingérer du solide par petites quantités, en alternant l’apéro salé de ma sacoche et la pâte d’amande ou autres barres sucrées (surtout pas de gels, que je ne digère pas) stockées dans les poches arrières de ma trifonction.

J’assiste à quelques crevaisons malgré l’excellent état des routes et me félicite d’avoir opté au dernier moment avant de partir pour un remplacement de mes pneus « tubeless » par des « tubetype » (avec chambre à air). En plus de la chambre de secours dans la sacoche qui se trouve sous ma selle, j’ai prévu une deuxième chambre que j’ai scotchée sous mes prolongateurs, en reprenant une astuce de mon amie Brendane. Au moins je pourrai intervenir et réparer en cas de crevaison, à la différence de la technologie tubeless qui me laisserait tributaire de l’efficacité du liquide préventif.

J’aperçois des panneaux indicateurs affichant « Thun » : c’est bientôt la fin de la 1ere boucle, que je termine avec une moyenne comprise entre 26 et 27 km/h. A l’endroit du demi-tour devant les barrières, Thierry crie mon prénom et je relance en danseuse sans avoir pu l’apercevoir dans la foule. C’est reparti pour un « bis repetita » ! Je ne me suis arrêtée qu’à un seul ravitaillement précédemment et prends la décision de faire une halte systématique à chacun d’entre eux pour la suite, soit 4 au total, car la chaleur est de plus en plus pesante en ce début d’après-midi sans un seul nuage. La plupart des spectateurs ont d’ailleurs disparu au second tour, certainement découragés par ce soleil de plomb, ou bien appelés par le repas du midi.

C’est le silence, nous sommes seuls sur ces routes de campagne, livrés à nos pensées. Alors, quand l’occasion se présente d’échanger quelques mots avec mes compagnons d’infortune, ici une américaine que je double et qui me redouble en s’exclamant « soooo hot ! », là un dossard avec drapeau français, un athlète qui vient d’Issy triathlon (le monde est petit, l’ancien club de Brendane !!!) et vit désormais près d’Annecy, cela me sort de ma torpeur et me redonne du peps !

Les kilomètres défilent … Je fais un arrêt pipi derrière un tas de bois dans la forêt (ne me demandez pas comment il est possible d’avoir envie d’uriner par une chaleur pareille) et j’en profite pour sortir un mini sandwich de ma poche arrière, que je n’arrivais pas à attraper en roulant, et pour cause : il s’est complètement écrasé dans mon dos, le fromage à tartiner a collé à l’alu et la viande des grisons commence à faire grise mine, miam ! Malgré tout, je trouve cela bon et machouille avec satisfaction cette bouillie chaude en remontant sur mon vélo. Et roule ma poule !

A nouveau quelques kilomètres et soudain c’est la tuile ! Le « feu aux pieds », que je redoute tant dans les moments de chaleur intense, fait son apparition. J’ai la voûte plantaire embrasée et l’impression que les cales de mes chaussures traversent mes pieds. Je n’ai malheureusement trouvé aucune solution lors des entraînements (pommades rafraîchissantes, huiles essentielles, etc.) et dois prendre mon mal en patience jusqu’au prochain ravitaillement. Lorsque les tables où s’activent les bénévoles se présentent enfin, je mets pied à terre, enlève mes chaussures et arrose copieusement le dessous de mes pieds. Evidemment, les chaussettes gonflent et je repars avec les chaussures complètement desserrées (on oublie le « pédaler rond » !!!) mais un peu soulagée. Pour tous les ravitaillements qui suivront, ce sera le même rituel, à ceci près que je ne prends même plus la précaution d’enlever mes chaussures ! Elles se transforment en petites piscines qui s’assèchent au bout de quelques kilomètres seulement, dès que l’effort de poussée sur les pédales reprend. J’ajoute à cela la douche complète à l’eau froide et l’humidification du bandeau que je porte sous mon casque, lorsqu’il y a un jet d’eau sur la zone de ravitaillement.

C’est ainsi que je boucle mon second tour ; inutile de préciser que la moyenne en a pris un coup : je suis redescendue à 25 km/h pour un total de 7h15 de vélo, et je dépose mon Liv dans le stade, sous les applaudissements et les encouragements nourris de mes supporters.

A l’instant où j’accroche mon vélo, je sais que j’irai au bout de cet ironman, quoi qu’il arrive. Après avoir surmonté une natation compliquée et eu la chance de rouler sans aucun problème physique ni mécanique, je ne peux plus m’imaginer une autre issue.

Je trottine vers la zone de transition où se trouvent les sacs. Je prends le parti de me changer intégralement avant la course à pied pour m’apporter le confort d’une nouvelle tenue et une fraîcheur toute relative ! J’utilise les petites tentes individuelles réservées à cet effet, mais quelle chaleur étouffante ! Me voilà enfin en débardeur et short, prête à aborder le marathon. J’ai également prévu une ceinture pour y placer mes compotes, préouvertes la veille par Thierry pour ne pas avoir à batailler avec les bouchons : quand je vous dis que chaque détail compte !

Ma lucidité commence à être entamée et je prends le mauvais couloir pour quitter le parc à vélos ; qu’à cela ne tienne, je ne suis pas à 100 m près, puisque je vais en courir 42 ! Je me refuse à faire mentalement la comparaison avec un marathon « sec » (épreuve isolée), comme ceux que j’ai vécus par le passé, car je sais que cela me démotiverait. Au contraire, j’aborde cette dernière épreuve, constituée de 3 boucles de 14 km chacune, en me disant que chaque boucle est un objectif en soi (à la différence des marathons « classiques » où je guette l’arrivée du fameux « mur », vers le 30eme km).

Toutefois, mon envie d’en découdre s’est étiolée au fur et à mesure de la journée : ma combativité s’est progressivement vidée comme une batterie qui se décharge tout doucement, sans que j’en aie conscience. Je mets donc mentalement en place une stratégie d’économie : je marcherai à chaque ravitaillement, soit tous les 2 km environ, pour boire et continuer de m’arroser, et m’obligerai à courir entre chacun d’entre eux.

Me voilà donc partie avec cette tactique en tête, sans me douter que 2 km peuvent paraître une éternité ! Alors, j’occupe mon regard et mes autres sens : la piste d’athlétisme bleue sur laquelle nous devons faire 1 tour et qui me rappelle tous les fractionnés que j’ai dû faire en préparation, les spectateurs et baigneurs au bord du lac, le vieux centre ville de Thun, ses écluses, la fraîcheur des souterrains du château du Moyen-Age lorsque j’arrive à leur hauteur, les mots de Thierry « allez ma puce, tiens-bon » et de Joël « allez Blandine, c’est du solide ! » qui résonnent dans ma tête et me réconfortent…

Le 1er tour se passe ainsi au rythme des ravitaillements qui deviennent mes mini-objectifs intermédiaires. Le 2nd est plus difficile et je me laisse aller à marcher un peu plus longtemps après les ravitos, une entorse à mon règlement intérieur ! Pourtant, le soleil décline, et même si la température ne baisse pas encore franchement, je devrais me sentir mieux ! Je croise un asiatique qui n’en est qu’à son premier tour, et je me dis que certains sont encore plus en galère que moi : je n’ai pas le droit de baisser les bras alors que toutes mes épreuves se sont bien déroulées, sans aucun pépin, et que je n’ai aucune blessure, pas de crampes, ni de réelle douleur…

Parlons-en des bras ! J’éprouve une sensation inédite d’avoir à porter mes propres bras : ils me semblent peser des tonnes, sans doute la conséquence de l’épuisement dont je n’ai pas conscience puisque tout mon corps fonctionne parfaitement !

Je me retrouve à la hauteur d’un grand suisse allemand avec lequel je discute un peu, mais il me fatigue vite car il entend mal (ou est-ce moi qui n’articule pas assez ?) et me fait répéter mes phrases. Il m’explique que son objectif est de boucler le marathon en 5h. Cela me semble énorme et je lui dis que nous sommes sur des bases beaucoup plus rapides, mais mon raisonnement est erroné car j’oublie d’intégrer toutes les zones de ravitaillement où je marche ! Au final, je le reverrai à l’arrivée, après mes 4h45 de marathon, en pensant que c’est lui qui avait raison !

Je vis un sursaut de motivation lors de la 3eme boucle et j’ai même l’impression d’allonger la foulée. Cette fois, je ne marcherai pas dans les derniers kilomètres pour tenir la base des 14h annoncées par Thierry lors de mon dernier passage. J’entends le micro du speaker se rapprocher, puis c’est enfin le début du tapis bleu. Joël me crie « Blandine, sonne la cloche hein Blandine ! ». Thierry me dit la même chose un peu plus loin, perdu au milieu des clameurs de la foule. Alors je cherche des yeux cette fameuse cloche, le « First Timer », dont j’apprendrai a posteriori seulement qu’elle est réservée aux premiers participants d’un ironman. Ah, la voilà, je la sonne au passage sans m’arrêter de courir et passe la ligne à la même allure, sans accélérer et sans grande explosion de joie, car je ne considère pas ce que je viens de faire comme un exploit. Je prends la peine de lever les yeux sur le chrono où figure mon nom et de stopper ma montre après cette longue, longue journée d’efforts : 14h07.

Ce que je considère comme l’épreuve reine du triathlon, à l’instar du marathon pour la course à pied, est désormais derrière moi. So next ?

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Epilogue

Au surlendemain de l’évènement, je m’aperçois avec une certaine nostalgie que cette expérience a complètement démythifié ce que représentait pour moi un ironman : la montagne à laquelle je m’attendais s’est transformée en colline et je ne parviens pas à considérer ce que j’ai fait comme un exploit, alors même que c’est le discours que me renvoie mon entourage.

J’ai franchi un cap et l’analyse de ma course a fait bouger les lignes : l’objectif n’est plus pour moi de terminer un ironman, en dépit de toute l’importance donnée aux « finishers » dans l’organisation et le regard des autres, mais de courir le marathon final dans un temps qui me satisferait davantage, en réussissant à convoquer jusqu’au bout les images mentales qui me permettraient d’être plus forte et de ne pas marcher.

Après tout, j’ai bien réussi des triathlons L (dont mon half ironman de préparation à Aix-en-Provence) où mon chrono se rapprochait de mes épreuves sèches de course à pied, ce qui me paraît être le véritable exploit à accomplir aujourd’hui. Si je devais à nouveau prendre le départ d’un triathlon XXL, voilà quel serait mon objectif !

J’ai du mal à y croire moi-même, mais je dois me rendre à l’évidence : je m’inscris à présent dans une logique de « peut mieux faire » et suis déjà en train de repousser les limites !

Un CR de qualité qui vous a certainement mis les frissons sur les bras (tout comme moi…) !!! On lui transmets nos sincères félicitations et une excellente récupération.